Les poltico-philosophes vont ils nous renvoyer vivre dans des cavernes?
- Sylvain Bogeat
- 5 déc. 2024
- 3 min de lecture
N’y a-t-il pas une contradiction irréconciliable entre les défenseurs du droit au logement et les apôtres de la décroissance? La question se pose lorsqu’on écoute et lit certains penseurs de la ville qui se rêvent en prophètes d’une sobriété radicale, caricaturant l’architecture et l’urbanisme moderne comme des prédateurs dévorant les hommes et les ressources naturelles!
Je suis convaincu qu’il est de notre responsabilité d’offrir des conditions de vie dignes et un logement décent à nos concitoyens.
À l’heure où les villes font face à une demande de logements sans précédent, j’entends des discours idéologiques complètement déconnectés de la réalité. Nos métropoles n’ont pas besoin de leçons de morale marxiste sur le logement, mais de solutions pragmatiques, pour construire des villes plus respectueuses de l’environnement tout en répondant aux besoins sociaux et économiques d’aujourd’hui.
C’est un luxe d’insider que de dire qu’il faut arrêter de construire. La réalité c’est qu’aujourd’hui les Français vivent un inexorable déclassement immobilier et que les jeunes générations n’arrivent plus à se loger autrement qu’en s’inscrivant sur la liste d’attente d’un logement social.
Je suis convaincu que le progrès technologique peut nous aider à résoudre certains des défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés.
Nous avons des leviers formidables pour utiliser les ressources naturelles de manière plus intelligente. Nous devons en premier lieu nous reposer sur l’écoconception comme pierre angulaire de la stratégie de décarbonation des villes. Il s’agit de penser l’urbanisme, le bâti, l’usage de manière à limiter drastiquement l’impact environnemental. Par exemple, construire en respectant des dimensions de matériaux standard permet de limiter les chutes de matières premières. Les véritables architectes du durable ne se contentent pas de sermons sur la frugalité : ils optimisent chaque trait, chaque mètre carré pour créer des bâtiments efficaces et économes dès les phases initiales du projet. L’architecture durable est à mon sens avant tout une affaire de compétence et d'anticipation, pas de contrition morale.
Oui, il faut faire la guerre au béton, qui à lui seul représente près de 8% des émissions de CO2 mondiales. Mais cela ne veut pas pour autant dire qu’on ne peut plus construire ! Le raccourci de la décroissance à tout crin est affligeant. Ne nous privons pas des matériaux bas-carbone, naturels et renouvelables! Le bois, par exemple, n’est pas une ressource taboue, mais un atout précieux quand il vient de forêts gérées durablement. La vraie question n’est pas de restreindre l’accès au logement de manière obsessionnelle, mais de savoir comment exploiter les ressources renouvelables sans sombrer dans le puritanisme écologique.
Moins de normes. Plus de solutions pragmatiques.
Le réemploi reste un idéal difficile à mettre en oeuvre dans la réalité actuelle. Simay brandit le réemploi des matériaux comme un étendard, mais ignore quelque peu la réalité du terrain. Réutiliser des matériaux implique une série de contraintes techniques et administratives qui complexifient – voire bloquent – toute mise en œuvre. Assurances, normes de sécurité, réglementations : le réemploi vire parfois un casse-tête administratif. Il faut le favoriser, mais au lieu de grandes incantations fantasmagoriques, il faut mieux s’atteler à travailler sur les freins concrets qui limitent son essor, en particulier du côté des assurances et des certificateurs techniques.
La rénovation est une réponse nécessaire mais insuffisante aux besoins de logements auxquels nous faisons face. Dans bien des cas, les coûts de rénovation rivalisent, voire dépassent, ceux de la construction neuve, et ce, sans même garantir des performances énergétiques exemplaires. Face à une demande croissante de logements et à des évolutions démographiques significatives, il est naïf de croire que la rénovation seule peut combler le besoin. La ville de demain aura besoin d’une combinaison intelligente de rénovations et de nouvelles constructions.
Nous devons nous engager à fond dans la construction durable au lieu de baisser les bras
Au lieu de culpabiliser les bâtisseurs, nous devrions encourager des approches pragmatiques, axées sur l’innovation, l’optimisation des matériaux, et une gestion intelligente des ressources. Je m’étonne de visions telles que celle de Philippe Simay, fondées sur une ultra-sobriété teintée d’idéalisme, trop éloignées des réalités contemporaines pour constituer une voie viable vers la ville de demain. Céder à cette radicalité, c’est perdre de vue l’essentiel : l’architecture durable doit répondre à des besoins humains et sociaux, sans se limiter à un fantasme de retour à l’état de nature.
C’est en adoptant une posture constructive et réaliste que nous pourrons réellement construire la ville durable de demain, pour ses habitants! L’urgence climatique impose des actes et des solutions concrètes, pas des imprécations théoriques et des utopies de privation.
