157 millions de mètres carrés perdus : « Nos écoles sont trop précieuses pour rester fermées 80 % du temps »
- Sylvain Bogeat

- 17 oct.
- 3 min de lecture
50 000 écoles maillent nos villages et quartiers, représentent près d’un tiers du patrimoine public, et mobilisent plus de 8 milliards d’euros par an… pour n’être utilisés qu’à 20 % du temps. À l’heure où le foncier se raréfie, où l’on vise le zéro artificialisation nette et où les besoins locaux et démographiques évoluent, il est temps d’ouvrir les écoles sur la ville.
Des écoles partout… et pourtant sous-utilisées
Les chiffres sont têtus : avec 32 heures de cours hebdomadaires pendant 36 semaines par an, une école est sous utilisée près de 80 % du temps. Le reste de l’année, cantines, bibliothèques et salles de classe restent désespérément vides.
S’étalant sur 157 millions de m², le bâti scolaire constitue près d’un tiers du patrimoine public, dont une bonne partie va devoir être rénovée. La Banque des territoires a ainsi prévu deux milliards d’euros pour financer leur rénovation énergétique. Mais à quoi bon investir si c’est pour laisser ces bâtiments fermés la majorité du temps - voir définitivement, en fonction des aléas de la démographie ?
Certaines écoles n’ont en effet même plus assez d’élèves pour fonctionner. Depuis 2021, Paris a fermé 12 établissements, posant froidement la question de l’évolutivité de ces bâtiments.
C’est d’autant plus dommage que les citadins manquent bien souvent d’espaces pour se retrouver, pratiquer des activités, ou simplement souffler.
Faire des écoles des lieux de vie
Les écoles n’ont pas toujours été des bâtiments mono-activité. Dès le XIXè, les plans types des architectes Bouillon et Narjoux prévoient bien souvent une mutualisation entre l’école et la Mairie, à laquelle s’ajoute bien souvent l’hébergement du personnel !
Les écoles maillent le territoire de façon unique. Plutôt que de bétonner davantage, utilisons ce que nous avons déjà. Ces lieux peuvent accueillir mille usages en dehors des cours : soutien scolaire, activités sportives et culturelles, ateliers associatifs, coworking, repas de quartier, goûters d’anniversaire…
Pour les familles, un soutien concret dans la vie quotidienne. Pour les associations, un accès facilité à des locaux. Pour les collectivités, des économies substantielles : moins de nouvelles infrastructures à construire, à entretenir, à chauffer. Et même des recettes supplémentaires à la clé.
Bien sûr, il faut prévoir la sécurité, la propreté, le contrôle des accès. Rien d’insurmontable en regard de ce qui se fait dans des parcs de stationnement, des hôtels ou des coworkings !
Des initiatives inspirantes
Quelques initiatives émergent. A Trébédan, village de 400 habitants, l’école a été repensée pour devenir un lieu partagé : la cantine se transforme en salle associative et la bibliothèque est accessible à tous les habitants.
À Paris, les écoles oasis réaménagent les cours pour les canicules et ouvrent l’espace aux habitants l’été. Plusieurs établissements mettent leurs locaux à disposition des associations en dehors du temps scolaire, via des conventions encadrées par la Ville de Paris, permettant d’accueillir des activités culturelles, sportives ou sociales et de faire de ces écoles de véritables lieux de vie pour le quartier.
Pendant l’année scolaire, la Ville met en place les “Samedis en famille” : 32 crèches et 42 cours d’écoles ouvrent le samedi pour proposer animations et activités gratuites aux enfants et adolescents.
À l’international, des exemples plus anciens montrent ce changement de paradigme en matière d’intensité d’usage : au Québec, depuis une vingtaine d’années, de nombreux établissements secondaires, comme l’Odyssée à Val-Bélair, ouverte à la fin des années 90, partagent leurs gymnases, piscines et bibliothèques avec la population locale, tandis qu’en Irlande, certaines écoles, comme St Gabriel à Limerick, sont conçues pour regrouper services éducatifs, de santé et initiatives communautaires, maximisant l’usage des locaux en dehors des cours.
Vers une nouvelle logique urbaine
Nos écoles sont trop précieuses pour rester fermées. Dans un contexte où chaque mètre carré compte, elles doivent devenir le symbole d’une nouvelle logique urbaine.
Je suis convaincu qu’en centre ville, nous devons travailler l’intensité d’usage pour éviter l’étalement urbain et limiter la densification, là où elle n’est pas souhaitable.
Car l’école n’est qu’un point de départ. Demain, ce raisonnement peut se généraliser : gymnases, bibliothèques, bureaux municipaux… et équipements privés. La ville de demain ne se construira pas seulement en mètres carrés neufs, mais en heures d’usage comme le défendait Eléonore Slama à la Fondation Palladio.
La fin de la récréation a sonné : il est temps que nos écoles vivent enfin à plein temps !
Sylvain BOGEAT
Président du Think Tank Métropoles 50
Associé fondateur Vestack



