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Haute-Savoie : Le défi du juste milieu

  • Ulysse Dorioz
  • 22 déc. 2023
  • 3 min de lecture

Face aux dérèglements climatiques et à la diminution amorcée des sports d’hiver, la Savoie, doit aujourd’hui esquisser un nouveau projet territorial pour éviter que l’urbanisme de loisirs ne laisse place à des villages fantômes.


Avec ses nombreuses stations de sports d’hiver attirant depuis des décennies des propriétaires anglais, belges ou suisses, la Haute-Savoie est emblématique de la prévalence des résidences secondaires dans le paysage urbain français. La cartographie réalisée par l’observatoire des territoires et illustrée par le média écologiste « Bon Pote » est éloquente. Avec 3,69 millions de résidences secondaires en France en 2022, représentant 10% du parc de logements, la France en est le champion d’Europe. 


Malgré l’annonce des Jeux Olympiques d’hiver de 2030 dans les Alpes, le territoire fait face à une mutation urgente. A l’heure de la disparition amorcée des sports d’hiver tels que nous les connaissons depuis les années 70’ – certaines stations de basse altitude ont déjà entrepris le démontage de leurs installations – la région est en quête d’un nouveau projet identitaire, cherchant à éviter les écueils du catastrophisme et du déni climatique. 

Plus de 70% des logements de certains villages ne sont occupés que quelques mois par an. En parallèle, l’artificialisation des sols est amenée à se réduire. Construire sur les terres agricoles pour vendre des résidences secondaires n’est ainsi plus un projet de développement économique viable. Que ferons nous des villages dortoirs de montagne lorsque la neige, même artificielle, ne permettra plus de pratiquer les sports d’hiver ? Face à la disparition du principal attrait des propriétaires saisonniers du fait du dérèglement climatique, deux scénarii, volontairement alarmistes, se dessinent. D’une part : plus de neige, plus d’utilité, fin de la carte postale. Les supérettes bondées laisseront place à des immeubles fantômes créant de multiples problématiques notamment quant à la gestion des infrastructures publiques, souvent surdimensionnées pour répondre aux pics d'utilisation d’une mineure partie de l’année. Par exemple, une station d’épuration d’eau conçue pour 50 000 habitants dysfonctionne lorsque, hors saison, seuls les locaux l’utilisent. D’autre part, c’est le scenario de la montagne ‘Club med’. Les villages de montagnes se transforment en station de loisirs 4 saisons aux multiples activités de divertissement visant un tourisme de masse.


Pourtant avec son maillage économique, culturel et humain, le bassin chablaisien a les caractéristiques d’une « métropole multinationale » disposant d’atouts d’envergure, que ce soient ses paysages, du lac Léman au Mont Blanc, ou son positionnement stratégique au carrefour de la France, de la Suisse et de l’Italie. Un capital qui permet d’entrevoir d’autres futurs. Pour cela regardons par exemple à l’ouest, pour comprendre comment le parc naturel du Yellowstone aux Etats-Unis a façonné la vie économique, culturelle et naturelle de son territoire. Observation des ours, des oiseaux, des bisons, à pied, en raquette ou en voiture, les activités proposées par le plus ancien parc naturel du monde attirent chaque année plus de 4 millions de touristes – soit la moitié des skieurs dans les Alpes. Le paysage, l’intensité de sa vie géologique ainsi que sa biodiversité, offrent le divertissement nécessaire pour faire de ce territoire un pôle d’attractivité économique de premier plan, mais aussi un levier d’influence au-delà de la frontière du Wyoming. En s’appuyant sur les richesses du territoire des Alpes, il s’agit d’inventer une nouvelle approche de la protection et valorisation de la nature qui puisse aussi mettre en valeur les savoir-faire locaux et les traditions culturelles intimement liées à ce patrimoine naturel. Tous les ingrédients sont réunis pour bâtir un grand projet au cœur de la vie des territoires, pour façonner une nouvelle étape de la préservation de la nature avec ses habitants. L’évolution des activités de montagne doit en premier lieu être l’occasion de réaliser une montée en gamme des flux touristiques, permettant de continuer à faire découvrir cette région, et à animer ce secteur d’activité, tout en assurant la préservation de ce patrimoine naturel sur le long terme. C’est également l’opportunité de diversifier l’économie locale, en réduisant la dépendance au tourisme. La Savoie a longtemps été un bastion industriel et a tous les atouts pour le redevenir. Nous invitons ainsi les nombreux passionnés des Alpes à réinventer l’identité de ce magnifique territoire pour que les sommets et les chamois alpins rivalisent avec les geysers et bisons américains.






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