Et maintenant que fait-on pour les sans-abri?
- Sylvain Bogeat
- 1 mars 2024
- 4 min de lecture
300 000+ sans-abri en France. Près de 1 000 000 de sans-abri en Europe. Et surtout … 1 année de plus sans amélioration notable.
Le rapport de la fondation Abbé Pierre sur le mal-logement en France révèle une fois de plus l’ampleur de la crise que nous traversons. A l’extrémité du parcours, au-delà de tous les problèmes liés à la crise du logement, se trouve la rue, les centres d’hébergement d’urgence, la précarité …. Des centaines de milliers de personnes souffrent, sans la possibilité d’avoir accès à des conditions de vie décentes.
Chaque hiver, les élus se mobilisent pour tirer la sonnette d’alarme sur le mal-logement. Jean-Claude Driant explique dans son ouvrage Crise du Logement ? Quelles crises ? que, depuis les années 2010, la crise du logement alimente le débat politique à chaque fin d’année. Dernièrement en date, le député LFI des Yvelines William Martinet qui a invité d’autres élus de son parti à dormir aux côtés de sans-abri et de mal-logés dans les tentes du quartier Solférino à Paris. Leur objectif était de dénoncer « l’inaction du gouvernement » sur la question du mal-logement et vise à « remuer les consciences sur la question du mal-logement ».
Le 29ème rapport sur l’état du mal logement de la fondation Abbé Pierre met en évidence les problèmes croissants liés au manque de logements abordables, à l’aggravation des inégalités, à la précarité énergétique et aux difficultés d’accès au logement. Les chiffres montrent une dégradation de la situation notamment du nombre d’enfants dans la rue : chaque soir en octobre 2023, on comptait plus de 2 800 demandes non pourvues d’hébergement pour des enfants, contre 1 700 en 2022 et 920 en 2020. Parallèlement, la production d’HLM a chuté ces dernières années. Pourtant, comme le note la fondation, 2,4 millions de ménages attendent un logement social.
Au-delà des actions coup de poing à chaque trêve hivernale, le logement s’est invité comme LE sujet chaud du début de mandat du gouvernement Attal. Était-ce prévisible?
Cette crise du logement renvoie en premier lieu à la capacité du politique à assurer un logement adapté aux besoins de la population et notamment des plus précaires. Comme l’a souligné Métropoles 50 dans une tribune de Sylvain Bogeat, il est regrettable d’éclater au sein de l’exécutif les sujets liés aux politiques de la ville et au logement. En les réunissant, celles-ci pourraient renouer avec le rôle de premier plan qu’elles méritent, tant elles sont incontournables dans le cadre des politiques de transition écologique et sociale.
Cela étant, des annonces ont tout de même été faites ces dernières semaines, qui ont été plus ou moins bien accueillies. Le premier ministre a annoncé le 30 janvier dernier un prêt de “très long terme de 2 milliards d’euros” pour accélérer la création de logements sociaux et une révision de la loi SRU dans les communes en zone urbaine pour recalculer le quota de logements sociaux dans les collectivités. C’est en particulier le rôle du logement intermédiaire et l’équilibre entre celui-ci et les logements sociaux, ciblés sur des foyers aux revenus plus modestes, qui a déchaîné les passions.
Pour éviter de jeter de l’huile sur le feu, le Gouvernement s’est également engagé à assouplir les règles des diagnostics de performance énergétique pour les petites surfaces. En effet, la loi climat et résilience de 2021 prévoyait l’interdiction de location des logements de classe énergétique G dès 2025. L’objectif louable était d’inciter à la rénovation de ces habitations pour les rendre moins gourmandes en énergie. Pour autant, les F et G, c’est plus de 2 millions de biens locatifs, soit 15 à 16% du parc de logement mis en location. Dans le contexte actuel, la question se posait légitimement de vérifier que les travaux demandés étaient fondés sur des analyses pertinentes et des injonctions de rénovation cohérentes avec les spécificités des petites surfaces. Métropoles 50 sera attentif aux mesures votées par le gouvernement cette année et continuera à alimenter le débat avec ses propres propositions, notamment pour faciliter l’accession à la propriété, débloquer les autorisations d’urbanisme, ou réformer notre politique foncière.
La question reste entière pour les publics les plus précaires, et en particulier les sans-abri. Dans ce contexte, le développement des solutions d’hébergement est essentiel. Ces structures jouent un rôle crucial en offrant une sécurité et une stabilité aux individus et aux familles en situation de précarité. Les hébergements d'urgence en France sont souvent faits de solutions bricolées et bien insuffisantes pour répondre à une demande qui explose par ailleurs, comme l’illustre le problème croissant des mineurs non accompagnés.
Il est impératif de mettre en place une politique globale visant à développer les hébergements pour les personnes précaires en France. Cela passe par une augmentation significative des investissements dans la construction de nouveaux centres d'accueil et la rénovation des structures existantes. Il est également nécessaire de renforcer la coordination entre les différents acteurs impliqués, tels que les collectivités locales, les associations et les services sociaux, afin d'optimiser l'utilisation des ressources disponibles. De plus, il est crucial de fournir un accompagnement social adapté aux personnes hébergées dans les structures d'urgence. Cela inclut l'accès à des services médicaux, à l'éducation et à la formation professionnelle, ainsi qu'à un soutien pour la recherche d'un emploi et d’un logement durable. L'objectif doit être de permettre aux personnes en situation de précarité de retrouver leur autonomie et de se réinsérer pleinement dans la société, en commençant par le logement.
Les pistes d’action doivent s’articuler autour de trois idées simples.
1. Arrêter avec les rustines. Jeter quelques matelas dans une ancienne caserne en chantier ou école désaffectée sans concertation ne permet pas d’avoir des conditions d’accueil sécuritaires ou décentes, ne permet pas d’accompagner vers la réinsertion et ne fait qu’antagoniser les riverains et les bénéficiaires.
2. Massifier les schémas qui fonctionnent à tous les niveaux de la chaîne de valeur. Il s’agit ainsi de mobiliser le foncier disponible pour des solutions de moyen-terme. Les établissements publics fonciers, l’Etat et les collectivités locales détiennent des fonciers qui peuvent être utilisés pour des usages intercalaires pouvant aller jusqu’à une dizaine d’années, notamment via un urbanisme transitoire. Il faut capitaliser sur les mécanismes de gestion qui fonctionnent le mieux comme les pensions de familles, et leur permettre de se déployer rapidement, tant sur la construction que les autorisations d’urbanisme.
3. Name and shame. Les responsabilités diluées permettent à chacun de s’émouvoir du sujet sans qu’aucun n’agisse. Il faut des engagements précis et un suivi réel des solutions proposées et mises en oeuvre sur les prochaines années.
C’est à ce prix que notre lassitude teintée d’un énervement croissant pourra laisser place à la satisfaction d’avoir réduit le nombre de sans-abri.
