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L’Europe. C’est à quelle adresse?

  • Christophe Ari-Roux
  • 19 mai 2024
  • 3 min de lecture

Le 9 juin prochain, 448,4 millions d’européens seront appelés à voter pour élire les nouveaux parlementaires. C’est l’occasion de prendre un peu de recul sur la politique de la ville et de l’aménagement du territoire menée par l’Union Européenne. 

Mis en place progressivement depuis les débuts de la construction européenne en 1957 afin de réduire la disparité entre les territoires des Etats membres, les cinq fonds structurels européens sont des leviers financiers importants qui accompagnent les collectivités territoriales dans leurs projets d’investissement et de développement des territoires. Aujourd’hui, un peu plus d’un tiers du budget total de l’UE est alloué à ces programmes. C’est en particulier depuis la seconde moitié des années 1980, après l’adoption de l’Acte Unique de 1986, que l’Union Européenne a développé un fort savoir-faire concernant les projets d’aménagement du territoire, malgré l’opposition de certains des Etat-membres les plus jacobins. Le principal fonds concerné est le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER), qui a pour but d'améliorer l’attractivité des territoires en développant leur accessibilité sans perdre de vue une démarche de développement durable. C’est près de 200 milliards d’euros qui ont été alloués à ces investissements dans le cadre du programme 2021-2027. 

Un effort particulier a été mené en ce qui concerne l’accès aux fonds européens, dont la complexité des procédures limitait fortement les projets d’aménagement du territoire. La politique de cohésion 2021-2027 s’inscrit dans un réel effort de modernisation, qui se traduit par exemple par une simplification des procédures de contrôle pour les bénéficiaires. L’Union Européenne démontre ici qu’elle est parfois en capacité de réduire la quantité de normes pour soutenir des projets innovants.

Au-delà des investissements, l’Union Européenne s’est distinguée dans l’harmonisation du socle normatif concernant la construction. L’exemple des Eurocodes est parlant. Mis en place à partir de 1975, ceux-ci regroupent des normes européennes de dimensionnement et de justification des structures de bâtiment et de génie civil. Ils visaient à harmoniser les techniques de construction en Europe, et à faciliter le libre accès des entreprises (travaux publics, bureaux d’études techniques) aux marchés des autres Etats membres. 

Pour aussi louable qu’elle soit, cette réglementation s’empile encore à des normes infra-européennes dans chaque Etat membre (et même dans chaque Länder dans le cas de l’Allemagne !) obligeant à concevoir chaque projet comme un prototype et freinant l’entrée du secteur de la construction dans une ère industrielle et l’aboutissement d’un marché unique à l’échelle européenne. 

L’Union Européenne a également investi ce domaine de l’innovation urbaine à travers son programme « le nouveau Bauhaus européen » lancé en 2021. La commission soutient des projets qui ont pour objectif de transformer les villes selon des valeurs de durabilité, d’esthétique et d’inclusion. Ce petit programme (85 millions d’euros annuels) bénéficie toutefois d’une médiatisation plus importante. Il a par exemple récompensé un projet « d’adaptation et de transformation des bâtiments pour des solutions de logement abordables » mené conjointement entre la Hongrie, la Grèce, l’Espagne) et l’Estonie.

L’Union Européenne a eu une influence très forte en matière d’aménagement du territoire via le financement des infrastructures. Cela a permis de réduire l’écart de développement entre les régions et de favoriser la libre circulation des marchandises entre régions. De la même manière, on peut considérer que l’Union Européenne a vocation à aller plus loin qu’un simple laboratoire d’idées sur trois grands sujets. 

Il est indispensable de faire de l’Union une machine à réduire la norme plutôt qu’à en créer. Les différentes réglementations de construction nationales ou régionales créent des usines à gaz locales, qui empêchent la réalisation d’un marché unique effectif en matière de construction, renchérissant ainsi les coûts des matériaux, des constructions et de l’immobilier in fine. La norme européenne, au contraire de celle des Etats-membres, peut en revanche utilement protéger le marché européen contre le dumping commercial et environnemental de pays tiers.

On parle beaucoup de mobilité des capitaux, des marchandises et des services. Pour autant, un enjeu bien souvent laissé de côté est la mobilité des personnes, au-delà des simples facilités touristiques. La mobilité des foyers européens est bien imparfaite lorsqu'on compare celle-ci à celle des Etats-Unis, que ce soit entre Etats-membres ou entre régions. L'Europe a un rôle à jouer en fluidifiant les parcours résidentiels et en levant les freins financiers et juridiques qui limitent les déménagements des foyers, par exemple en renforçant les garanties locatives du type de Visale.

Finalement, c’est le sujet de la transition environnementale du bâtiment, dont les enjeux (fit for 55 etc) nécessiteront des investissements colossaux qui pourraient utilement être mutualisés à l’échelle de l’Union. Que ce soit pour porter des grands projets d'aménagement urbain exemplaires dans des villes essentielles pour la compétitivité européenne, pour créer de nouvelles centralités incarnant un nouveau modèle d’urbanisme durable ou pour développer des solutions de construction ou rénovation pouvant être déployées à l’échelle du continent. 



 
 
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